Run Baby Run [LIBRE]

Depuis plus de quatre ans, courir était le seul moyen que Deirdre avait trouvé pour se défaire de ses idées noires. Quand la vie se montrait trop dure, qu'elle la décourageait ou que les souvenirs douloureux remontaient à la surface, Deirdre allait courir. Elle avait toujours détesté ça, elle crachait ses poumons à chaque fois, souffrait de points de côté mais qu'importe, elle se vidait la tête. Qu'il pleuve, qu'il neige ou qu'il vente. C'était ainsi depuis la disparition de Niall et ça le resterait probablement pour toujours. Il fallait qu'elle évacue sa colère et sa douleur et c'était la façon la plus saine qu'elle avait trouvé.

Ce soir là, en arrivant pour la première fois à Wicklow depuis des années, Deirdre alla courir. Changer d'environnement, repasser du Dublin agité au calme de Wicklow la perturbait. Dans la capitale, elle avait l'habitude de bouger tous le temps, de se changer les idées, d'être entourée d'amis qui la comprenait. Le bourdonnement incessant de la ville la faisait se sentir envie, lui donnait de l'énergie. Quant à Wiklow ... cette ville était liée à son enfance et aussi à une période difficile où elle avait été envoyée chez ses grands-parents paternels. Rien que de mettre un orteil dans la vieille ferme familiale lui avait fait faire un bon de dix ans en arrière.


FLASHBACK
Sean fit sortir Deirdre de force de la voiture. L'adolescente n'était visiblement pas ravie de rendre visite à ses grands-parents. Elle croisa les bras contre sa poitrine et baissa la tête, en signe de protestation. Mais elle resta muette. C'était un peu son signe de rébellion: ne pas être la première à craquer en disant le premier mot. Cela rendait son père fou. Ce dernier lui lança un regard menaçant, plein de réprimandes.

- Mais Dad, je t'ai dit mille fois que je préférais rester avec vous à Limerick ! Pourquoi m'envoyer ici au fin fond de nul part ?! gémit-elle.

Son père fronça les sourcils et posa sa main sur son épaule:

- Deirdre, chérie ... Tu sais que les choses sont difficiles en ce moment. Tu seras plus en sécurité ici ... soupira-t-il, avant d'ajouter en voyant Deirdre ouvrir la bouche pour protester: Il n'y a pas de mais ! Ta mère et moi avons décidé que tu resterais quelques semaines à Wicklow, point à la ligne.



En repensant au moment où elle avait atterrit à Wicklow pour la première fois, Deirdre se remit à courir de plus belle.

Deirdre avait pris de la vitesse. Ce souvenir l'avait mise dans tout ses états, et d'autres images vinrent se mêler aux autres. Ces hommes menaçants vêtus de noir. Les pleurs de sa mère. Niall. Son cercueil. La jeune femme se mis à courir de plus en plus vite. Son cœur battait la chamade et elle ne pouvait quasiment plus respirer. Mais elle continuait, comme si ce sentiment de vitesse, de dépassement de soi, la faisait évacuer toute la douleur qu'elle avait en elle. Le sang battait dans ses tempes, lui donnant mal au crâne. Ses muscles lui faisaient mal. Sa gorge brûlait. Les larmes commencèrent à couler sur ses joues sans même qu'elle s'en aperçoive. C'était comme une drogue dont elle ne pouvait plus se passer. Comme une drogue qui l'aidait à survivre.

Dans un état second, Deirdre ne vit pas une jeune femme courir en face d'elle. Probablement perdue dans ses pensées elle aussi, la brunette ne vit pas Deirdre. Les deux femmes se percutèrent de plein fouet. Deirdre tomba à plat ventre, se retenant sur ses deux mains pour ne pas que sa tête percute le sol. Hébétée, elle cligna plusieurs fois les yeux, sans vraiment comprendre ce qui se passait. Elle s'appuya sur ses genoux et sur ses mains pour se relever et vit une frêle jeune femme derrière elle, qui se relevait également. Elle avait l'air très mal à l'aise, comme si ce qui venait de se passer était de sa faute.

- Oh excusez-moi, je suis vraiment désolée ! Je ... Je ne regardais pas devant moi ! s'excusa-t-elle en bégayant, retrouvant peu à peu son souffle.

La jeune femme s'excusait elle aussi, et lui demanda si elle n'avait rien de cassé. Sans même réfléchir, Deirdre répondit:

- Je n'ai rien, enfin, je ne crois pas ! Et vous, vous n'êtes pas blessée ?

Deirdre s'approcha en marchant de son interlocutrice, pour s'assurer qu'elle n'avait rien de cassé. Elle se sentit coupable de ne pas avoir su contrôler ses émotions et de ne pas avoir vu la jeune femme arriver. Elle frotta ses mains sur son leggings de course noir et s'aperçu qu'elles étaient toutes écorchées et commençait à saigner. La collision avait été tellement soudaine qu'elle n'avait pas senti la douleur.